Review ciné : "Into the woods", réalisé par Rob Marshall

Franchement, je ne pensais pas que j'irais au cinéma voir ce film. Je pensais le regarder à sa sortie en DVD, ou chez un ami, ou je ne sais pas. Quelque part. Plus tard. C'est vraiment par un concours de circonstances que j'y suis allée, le jour de sa sortie qui plus est. L'argument majeur de la personne qui m'a convaincu était que ce film, qui est une comédie musicale, reprenait la comédie musicale du même nom "Into the Woods", qui est extrêmement bien faite, malgré un aspect plus parodique qu'esthétique, et qui n'est pas exactement une histoire de contes que l'on passerait à nos enfants. Si vous voulez vraiment savoir, il est tout de même question de sexe, de pédophilie, de suicide, d'adultère...
Bref, pas exactement le registre de Disney. C'est même tout l'opposé.
N'étant pas une fan inconditionnelle des studios Disney, et encore moins ces dernières années, je m'attendais vraiment à ce que tout ces aspects soient rayés de la carte, pour qu'à la place on nous serve le genre d'histoire bâteau et niaise avec un joli petit happy end à la Disney.
Qu'est ce que je me suis trompée ! Et ô combien j'en suis heureuse !
Pour le coup, mon ami avait raison. Les chansons sont celles de la comédie musicale, chansons ô combien épiques ou magnifiques pour la majorité, qui plus est interprétées de façon grandiose et magistrale. Je reviendrai un peu plus tard sur le sens de ces chansons.
Ici, on nous fait le portrait de plusieurs personnages de contes bien connus : Celui de Cendrillon, du Petit Chaperon Rouge, de Jack et le haricot magique, et celui de Raiponce. Pour nous amener à ces personnages, les deux héros principaux, un couple de boulangers se lance dans une quête. Pour faire gros, le couple, qui malgré ses tentatives n'arrive à engendrer d'enfant, reçoit un jour la visite innatendue de la soricère d'en face qui leur en explique la raison, et leur donne aussi la solution à leur problème, qui devient alors l'objet de la quête, tout en leur disant clairement qu'ils n'ont que trois jours devant eux.
Tous les personnages se retrouvent alors dans les bois.
La structure du film est très bien gérée, très bien menée, il n'y aucun soucis là dessus. L'esthétique du film est magnifique, la lumière est remarquable, et les effets spéciaux... Font de l'effet, car contrairement aux trois quarts des films fantastiques Disney, en tout cas d'un point de vue personnel, il n'y a pas d'effets spéciaux à outrance pour "envoyer de la magie" en veux tu en voilà ou prouver qu'ils ont du budget. Non, les effets spéciaux ne sont là que quand cela s'avère nécéssaire, et ne se révèlent donc pas superflus, (à l'exception d'une scène de narration au passé chantée par le Petit Chaperon Rouge, qui est, ma foi, superbe. )
Néanmoins, il serait faire preuve de mauvaise foi que d'habitude les Studios Disney font n'importe quoi avec leur mise en scène. Elle n'a jamais été mon problème, c'était plutôt le fond et la profondeur des choses.
Alors, parlons en.
Meryl Streep, vous êtes tellement magistrale dans ce film....
Enfin, nous avons un film sérieux, et par sérieux je ne veux pas dire académique ou laborieux, mais sérieux, le film a de vrais enjeux, de vrais problèmes, des problèmes réalistes dans un univers de fantaisie. C'est le tout premier film Disney avec absolument aucun comic-relief, aucun ami tout doux et tout mignon qui feront de très jolies peluches sur le marché, et pourtant le film est très très drôle. Très très drôle, et pourtant très sérieux. Du réalisme, dans un univers de fantaisie.
Je l'ai premièrement trouvé très drôle car il n'y a pas de scène "faite" pour être drôle, c'est le comique de situation, un comique qui est subtil, très bien traité. C'est le premier Disney sans personnage voué au comic relief, pas de petit personnage qu'on trouve tout mignon et tout doux, le genre dont on file acheter la peluche à la sortie du cinéma. C'est aussi un Disney qui se moque de ce qu'il a toujours fait : Par exemple, quand Cendrillon parle aux oiseaux, le Petit Chaperon Rouge la regarde comme si elle était folle, et sort d'un air abasourdi "attends, tu parles aux oiseaux ?", quand elle rencontre la Boulangère à un moment loin d'être opportunt, elle s'exclame sur le fait que ce qu'elle fait est stupide, et la dernière répond "ah oui ? Parce que s'enfuir du palais d'un prince qui veut nous épouser, ce n'est pas stupide ?" Le film s'adresse à tous les âges, et on a pas besoin d'être un enfant pour apprécier le film, on a pas non plus besoin de faire un voyage dans le temps afin de se retrouver en enfance pour l'adorer. Je dirais même que c'est le contraire, en fait, parce que le sous-texte pour adulte, vous savez, ces petites insinuations que les petits enfants ne peuvent pas comprendre, est ultra travaillé. Je n'ai pas eu une seule fois l'impression que le film voulait nous donner ce qu'un film Disney nous donne habituellement afin de s'assurer un minimun d'entrées. A la limite, vendre le film sous des affiches de Johny Depp alors qu'on doit le voir environ trois minutes chronos en deux heures de film, est une façon d'assurer un minimun d'entrée. Mais c'est tout, et c'est un risque énorme ! Déjà, le film est une comédie musicale, genre qui est bien loin de plaire à tout le monde, qui plus est, ce n'est pas une comédie musicale gentillette : ce film est dur. Il est violent. Ils n'y vont pas de main morte, en tout cas pour Disney, car bien sur il y a eut bien pire. Mais pour du Disney qui vise essentiellement un public jeune ?
Je me dois de dire ce qui pousse à affirmer ça. Mais comme ce serait du spoil, je vais vous demander de surligner le petit passage en blanc qui va suivre, si votre curiosité fait que vous voulez absolument savoir : La dedans, on a quand même les deux soeurs de Cendrillon qui se font (A l'ECRAN) couper un orteil et un talon avant de se faire creuver les yeux par les pattes des oiseaux, un prince qui se crève les yeux sur une muraille de ronces, une mère, qui plus est, l'héroïne principale, mariée, heureuse, à qui on s'est attaché tout au long du film, venant d'accoucher d'un nouveau né, qui meurt (!), qui est juste là, comme ça, tranquille en train de chanter sa chanson, et qui soudainement tombe d'une falaise (!), qui plus est hors caméra, qui ne bouge pas, qui ne nous donne pas de chute vertigineuse ou quoi, qui laisse non seulement notre esprit imaginer la scène, mais qui du coup nous laisse le doute : Est-elle vraiment morte ? En tant que personnage Disney on se dit que non... Mais si. Elle meurt, d'une manière ultra bête, quand on y réfléchit. Le doute ne fait d'ailleurs que renforcer le fait que quand tu es mort, tu es mort (phrase que cite d'ailleurs Meryl Streep.) Et ce n'est pas la seule : La mère de Jack meurt aussi ! Dans l'histoire, il y a une vache. Une vache qui est la seule amie de Jack, amie qui vient à mourir. ça m'a rappelé le traumatisme de l'Histoire sans fin, quand le cheval s'embourbe. Sauf que la soricère la rescusite. Je me suis alors dis "Disney, quoi..." Mais owh, elle rescusite la vache, mais après c'est carrément la mère de Jack qui meurt par la suite ! On a aussi la jolie Raiponce qui ne pardonne pas sa mère (enfin sa mère...) alors que cette dernière tient réellement à elle et veut la protéger, et qui s'en va en lui disant clairement qu'elle ne veut plus jamais la revoir. Suite à ça, sa mère se suicide ! On a aussi le Prince de Cendrillon qui va coucher (!) avec la boulangère, alors même que celui-ci est déjà avec Cendrillon, et que cette dernière est mariée, rappelons le, avec un homme qu'elle aime et qu'il aime aussi. Le Petit Chaperon Rouge, en plus de se faire violer, -ou en tout cas, pas sans avoir vu... le loup- a perdu ses deux parentes, se retrouve seule perdue dans les bois sans aucun moyen pour rentrer chez elle car tout est détruit. L'histoire se termine sur tous les personnages perdus dans les bois en aillant tous perdu tout ce qu'ils avaient de plus précieux, et, n'aillant aucun moyen pour rentrer chez eux, s'assoient en cercle et se racontent une histoire ! Owh ! Disney quoi !
Ici, le thème de l'enfance est très finement abordé : La famille est au centre de l'intrigue, que ces dernières soient en de bons termes ou non, aisées ou en difficulté. Je releverais l'exemple de Raiponce : Dans l'une des chansons, Meryl Streep lui chante "Be a child while you can be a child', soit "soit une enfant tant que tu le peux." Elle l'encourage à rester dans la tour, qui représente la bulle au sein de laquelle elle est protégée des dangers et des douleurs du monde. Autrement dit, laisser à l'enfance le temps de l'enfance. Cela dit, Raiponce a grandit, et de ce fait, refuse de rester éternellement enfermée dans cette tour où elle a grandit. Après quelques péripéthies, et comme dans le conte, Raiponce en sort, et elle est si peu préparée au monde qu'à un certain rebondissement, elle est terrifiée, elle ne sait pas comment réagir à de telles choses, et s'enfuit. Meryl Streep nous chante également une chanson nous disant de prendre garde aux histoires que l'on raconte à nos enfants, car ils vous écouteront. Dans ce film, les bois, c'est une allégorie de la vie. Tôt ou tard, les enfants s'y retrouveront, seront obligés de la traverser. Si vous les surprotéger, ils se perdront. S'ils sont préparés, s'ils savent ce qu'est la difficulté, la douleur, ils ont deux fois plus de chances de savoir faire face. Bien sur, cela n'assure en aucun cas une sécurité absolue, car jamais personne n'est en sécurité absolue. Le Petit Chaperon rouge chante qu'elle ne doit pas s'écarter de son chemin, c'est pourtant ce qu'elle fait : Elle n'en sort que plus forte, car elle était prévenue, et se faisant, découvre ce qu'il peut se passer. Jack, ayant vécu dans la misère toute sa vie, connaissant donc la dureté de la vie, parvient tout de même à faire face à la situation qu'il crée.
- Au delà de ça, le film est rempli de vrai messages, de vraies leçons, sans faire de morale : Celui que je retiens surtout reste celui transmis par une chanson en particulier, c'est celui du fait que parfois, des gens qu'on aime quitte notre vie, notre chemin, meurent, sans raisons ; ce n'est pas pour autant qu'ils s'en vont complétement, car il y a l'idée que ceux qui nous aiment ne nous quittent jamais vraiment, et qu'il faut continuer malgré tout. "No one is alone."
- Tout au long du film, la différence est faite entre quelqu'un de "gentil", et quelqu'un qui fait de bonnes actions. Il y a l'idée que quelqu'un qui fait quelque chose de mal n'est pas forcément une personne foncièrement mauvaise, et au contraire, quelqu'un qui fait quelque chose de bon n'est pas forcément bon. On peut faire le mal sans s'en rendre vraiment compte comme on peut en avoir tout à fait conscience, et le faire pour servir uniquement ses intérêt, l'erreur existe, l'égoïsme aussi, et surtout, parfois on pardonne, parfois on ne pardonne pas.
- Vous pouvez être gentils, vous pouvez faire autant de bien que vous le pouvez, vous pouvez n'avoir jamais rien fait de mal tout au long de votre vie : Des tuiles, des mauvaises choses vont vous arriver, et parfois, vous n'en ressortirez pas. On a pas ce qu'on mérite, en tout cas pas toujours On a ce qu'on a, et il faut faire avec. Mais allons, autant que le malheur peut vous acabler, le bonheur peut frapper : Il arrive parfois qu'on ait de la chance, qu'on nous sorte d'une situation dont on s'est nous même fourré, qu'un "miracle" apparaisse à condition d'être prêt à tout pour l'accomplir.
- Vous n'aurez pas toujours ce que vous souhaitez, et si vous l'obtenez, il y aura toujours un prix, qu'il soit à payer avant, ou à rembourser après. Tout ce que vous faites, que ce soit volontaire ou involontaire, aura des conséquences, qu'elles soient bonnes ou mauvaises.
- Et surtout, surtout, le message principal de ce film, je trouve, est bien que dans le malheur, le desespoir le plus total, il faut pourtant trouver la beauté, et le bon, distinguer le rayon de soleil qui nous permettra d'ériger un nouvel avenir, différent de tout ce qu'on aura imaginer, peut être meilleur, peut être pire. Tant qu'on est en vie, tout est possible.
Je ne trouve vraiment pas grand chose à redire à ce film. L'esthétique, l'intrigue comme la profondeur sont des éléments parfaits. Ce film a déjà reçu pas mal de critiques négatives essentiellement dûes à son genre, c'est pourquoi j'ai trouvé important de manifester le fait que Disney à réussit à convaincre une réticente comme moi. D'ailleurs, je n'ai pas ressenti d'agacement au côté musical du film, c'est vraiment passer tout seul, alors qu'il est rare que j'apprécie que l'on se mette à chanter pour un tout, pour un rien. Vraiment, c'est un grand bravo que j'adresse à tous ceux qui ont participé à réaliser ce film, à l'interpréter, et j'inclus évidemment les compositeurs originales des chansons. J'espère sincérement que ce film aura le succès qu'il mérite, et qu'il sera visionné par le plus de gens possible.
Et la performance de Meryl Streep, encore une fois... Juste... Wow.