Chronique littéraire : "Contrecoups" ("The Shock of the fall") par Nathan Filer

Publié le par Wendy-Belle

Edition Michel Laffont, parution anglophone en 2013, française en 2014

Résumé : "Je vais vous raconter ce qui s'est passé, parce que ce sera un bon moyen de vous présenter mon frère. Il s'appelle Simon. Je pense que vous allez l'aimer. Vraiment. Mais dans quelques pages il sera mort. Et il n'a plus jamais été le même après ça. " Matthew a 19 ans, et c'est un jeune homme hanté. Hanté par la mort de son grand frère, lors de vacances à la mer, dix ans auparavant. Hanté par la culpabilité. Hanté par la voix de Simon qu'il entend partout, tout le temps : dans le bruissement des feuilles des arbres, dans le crépitement des bougies d'anniversaire, dans le murmure de la marée... Dernier lien qui l'unit au frère disparu pour Matthew ; " hallucinations de commande ", disent les médecins. Matthew a 19 ans et il souffre de schizophrénie, une maladie qui " ressemble à un serpent ". Pour comprendre son passé et s'en libérer enfin, Matthew écrit, dessine, jette ses pensées sur le papier, tente de remonter le fil du temps. Il raconte l'enfance étouffée par la perte, la douleur silencieuse de ses parents ; l'adolescence ingrate brouillée par les nuages de marijuana ; la lente descente dans la folie, l'internement... Mais aussi, avec un humour mordant, le quotidien parfois absurde et toujours répétitif de l'hôpital psychiatrique – " Je vis une vie faite de copiés-collés ", les soignants débordés mais qui font de leur mieux, l'ennui abyssal : " il n'y a littéralement rien à faire "... Et le combat sans cesse renouvelé pour apprivoiser la maladie, et trouver enfin sa place dans le monde."

                                                                                                                                                           

 

Attention !  Je préfère prévenir : Ceci est un coup de coeur.

Le livre que je vais vous présenter peut être sujet à débat. En l'abordant comme ça, il n'a pas l'air d'être un livre très facile, le genre de livre qui nous vide la tête. Et ça ne l'est pas. Un livre qui traite de malade mentale, on peut s'attendre à tout un tas de chose, mais généralement pas à ce qu'il soit drôle.

Pourtant, celui là. Il l'est, d'une façon... Géniale. Pour commencer, ce livre marque bien la différence entre être un "malade mental" et un imbécile. Le narrateur est loin d'en être un. Il se moque de lui, et des gens autour de lui. Il fait preuve de beaucoup d'humour noir, de beaucoup d'ironie, mais avec une grande finesse. Il a des réflexions qui sont... Justes. Il ne se plaint pas, il ne s'épargne pas : Il est le premier à se traiter d'égoïste, à voir où étaient ses erreurs. Il ne se cherche pas d'excuses. On observe ses sentiments, et on les trouve très... Humains. Ca parait banal, dit comme ça, mais ça ne l'est pas. Il ne se trouve pas de comportement meilleur ou pire que les autres, on le comprend, en fait. Parce que la façon dont il réagit est humaine. Tout simplement.

Ce roman parle de la folie d'une manière pas banale. Je ne veux pas prendre le risque de tenter de vous expliquer pourquoi, ni comment, car j'ai peur que mes mots ne rendent pas justice au merveilleux travail qui a été fait ici. Ce livre est dénué d'hyppocrisie, dans le sens où l'auteur est le premier à la dénoncer. On ne cherche absolument pas à épargner nos sentiments. Et ça fait du bien. Beaucoup de bien.

Toutes les questions qui trottent dans votre tête dés le début du premier paragraphe vous sont révelées en temps et en heure, de la façon à laquelle on s'attend le moins. Parfois, on les oublie, ces questions, mais Matthew, l'auteur, ne manque pas de nous les rappeler. 

La confrontation entre le présent dans lequel il se trouve et le passé à travers ses souvenirs est excellente. 

Il y a aussi un travail de mise en page. Tantôt rédigé en caractère normal, tantôt aux caractères d'une machine à écrire, tantôt illustré par des dessins, tantôt expliqués par des schémas. Les titre des chapitres ont leur importance, et le titre du roman lui-même a une signification. Il est totalement approprié.

Je pourrais faire une longue critique, ou un long commentaire sur les sentiments que cette lecture inspire, mais ce ne serait pas nécéssaire. Comme à chaque coup de coeur, la première pensée qui m'a traversé l'esprit dés la dernière page tournée a été "des mots simples, mais justes. Et magnifiques. Du génie, et de l'art pur et simple." 

 

C'est un livre que je comptais lire en VO, mais en passant dans ma librairie je l'ai vu, en version française, et je l'ai voulu tout de suite. Au final, je ne regrette pas d'avoir craqué, car ce roman est un chef d'oeuvre et mérite amplement le titre qu'il a reçu. Je ne peux que vous le conseiller s'il vous tente, et ce qui est sur, c'est qu'il rejoint la courte liste des romans qui m'ont émerveilleux par leur excellence. Un immense bravo à l'auteur, que je ne manquerais pas de suivre. 

 

Elle a connu la tristesse. C'est ça. Je n'en ai pris conscience qu'en l'écrivant. Et, ayant connu la tristesse, elle a découvert la bonté.

Penser au passé, c'est comme déterrer des tombes.

Lire, c'est un peu comme halluciner.

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A
Je me retrouve dans ce que tu dis et partage tout à fait ton avis!
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T
Super, on se comprend ! :)
E
Je vais très bientôt le lire, et j'ai vraiment hâte. Un bel engouement sur la toile :)
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T
Un engouement amplement mérité ! J'espère que tu aimeras autant que moi :)
L
Celui-ci je vais le lire. C'est sûr. Je viens juste de le recevoir en VO, et ta chronique me donne simplement envie de l'ouvrir direct.<br /> Du coup, je vais prendre la bonne résolution d'en faire ma prochaine lecture, dès que j'aurais fini mon livre en cours... j'ai tellement hâte !!
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T
J'irai lire ta chronique quand tu l'auras terminé ! :D J'espère que tu l'aimeras autant que moi !
A
Ta chronique est très très belle, tu partages vraiment ton amour pour ce livre :)
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L
Très belle chronique et qui dit tout sur ce livre :) !!
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